Créée par la loi du 22 fructidor an VII (8 septembre 1799), cette légion polonaise, dite du Danube, devait se composer de quatre bataillons d'infanterie chacun de dix compagnies, dont une de grenadiers, une de chasseurs et huit de fusiliers ; de quatre escadrons de cavalerie légère et d'une compagnie d'artillerie légère.
Chaque compagnie d'infanterie devait comprendre : 1 capitaine, 1 lieutenant, 1 sous-lieutenant, 1 sergent-major, 4 sergents, 1 caporal fourrier, 8 caporaux, 2 tambours, 104 grenadiers, fusiliers ou chasseurs, soit un total de 123 hommes.
Le général Kniaziewicz, nommé par arrêté des Consuls du 7 frimaire an VIII (28 novembre 1799) chef de légion, fut chargé de son organisation qui devait s'opérer à Phalsbourg (Moselle). Elle se recruta parmi les Polonais originaires des provinces annexées par l'Autriche et la Russie et internés, comme prisonniers de guerre, dans diverses places du nord et de l'est de la France. Un certain nombre d’officiers provenaient des légions formées en Lombardie en 1797.
Le rassemblement de ces hommes à Phalsbourg créa de nombreuses difficultés dont la plus importante fut celle du logement, les casern,es de la place ne pouvant abriter que 1 800 hommes. Il fut décidé qu'ils seraient transférés à Metz où la légion se rassembla le 21 pluviôse an VIII (10 février 1800), afin de se compléter.
Le 1er bataillon fut organisé le 1er ventôse (20 février). Il comprenait 33 officiers, y compris l'état-major, et 1 200 sous-officiers et soldats présente sous les armes. Il fut placé sous le commandement de Stanislaw Fiszer (Général de division chef d'état-major du 5e corps de la Grande Armée en 1812, il sera tué au combat de Winkowo, le 18 octobre).
Le 2e bataillon fut formé le même jour mais à six compagnies de fusiliers seulement. Il sera complété le 23 ventôse (14 mars) par la formation des compagnies de grenadiers, de chasseurs et des 7e et 8e de fusiliers.
A la même date seront organisées les trois premières compagnies du 3e bataillon avec des hommes provenant du dépôt de Douai. Ce bataillon se complètera au fur et à mesure de l'arrivée de nouveaux volontaires.
Quant à l'organisation du 4e bataillon elle sera beaucoup plus longue. En septembre, il ne comptera que cinq compagnies.
La légion du Danube devait être envoyée à l'armée du Rhin pour combattre sous les ordres du général Moreau.
Elle arriva à Strasbourg le 10 floréal an VIII (30 avril 1800) et stationna quelques semaines dans la 5e division militaire. Le 20 floréal (10 mai), son effectif était de 72 officiers et 2 697 sous-officiers et soldats présents.
Le 10 messidor (29 juin), les 1er et 2e bataillons furent détachés à Mainz où ils entrèrent dans la 2e division.(Souham) du corps du Bas-Rhin (Sainte-Suzanne) qui formait l'aile gauche de l'armée. Le 3e resta à Kehl sous les ordres du général Klein commandant la division de Kehl.
Les légionnaires se distinguèrent à Hochet, Eschborn, Rödelbeim, Griesheim, le 16 messidor (5 juillet) et à Bergen, le 23 (12 juillet).
Après l'armistice de Parsdorf conclu le 26 messidor (15 Juillet), les deux premiers bataillons passèrent à la division Delaborde. Ils furent rejoints, au début de septembre, par le 3e bataillon et occupèrent la forteresse de Philippsburg. Ils se rendirent ensuite à Braunau et, à la rupture de l'armistice, Moreau les appela sous son commandement direct.
Le 7 frimaire an IX (28 novembre 1800), la légion fut rattachée à la division du centre de l’armée.
Elle contribua puissamment à la victoire de Hohenlinden, le 12 frimaire (3 décembre), où elle résista avec la plus grande vigueur à une attaque impétueuse au général Riesch et le rejeta dans la direction de Wasserburg. Dans cette bataille, le général Kniaziewicz donna les preuves des plus grands talents militaires.
Après la bataille de Hohenlinden, Kniaziewicz reçut l'ordre de nettoyer la route de Salzburg et poursuivit jusque sur la Salzach, la brigade du prince von Liechtenstein qui couvrait la retraite des Autrichiens.
Elle occupa ensuite Salzburg. L'armistice de Steyr signé le 4 nivôse an IX (25 décembre 1800) mit fin à la campagne. L'armée prit ses quartiers d'hiver et la légion out pour garnison l'abbaye de Kremsmünster.
En nivôse an IX (janvier 1801), elle était à Kirchdorf, dans le canton de Traun. L'effectif des trois bataillons s'élevait à 96 officiers et 2 036 hommes présents.
Le 20 nivôse (10 janvier), ordre est donné à Moreau de faire passer la légion en Toscane.
Le 25 pluviôse (14 février), elle cessa de faire partie de la division Decaen et se mit en route pour l'Italie où elle sera soldée par la gouvernement cisalpin.
Le corps marcha sur quatre colonnes et suivit l'itinéraire Braunau, München, Augsbourg. Ulm, Schaffhausen, Zurich, Lausanne, Genève, Chambéry, Modane, le Mont-Cenis, Turin.
Les hommes étaient dans un complet dénuement. Comme beaucoup d'étrangers venue combattre sous les drapeaux de la République, ils ne bénéficièrent guère des bienfaits promis par celle-ci.
Le général Lacombe-Saint-Michel commandant supérieur en Piémont, écrit de Turin au général en chef Moncey, le 23 germinal (13 avril) :
« Voilà cette légion polonaise qui arrive sans souliers, manquant de tout, et cinq mois arriérés de solde. Le commandant m'a dit que le général en chef Moreau n'avait pas voulu la faire payer parce qu'elle allait en Italie ; comme s'il n'était pas de toute justice de payer ces troupes à l'armée du Rhin pour tout le service qu'elles y ont fait. On a trompé ces malheureux soldats en leur disant qu'ils seraient payés à Berne, à Genève, à Chambéry et à Turin, et nulle part il n'y a des moyens... Ce matin, il m'a été rendu compte que les Polonais ne voulaient pas partir. Ces malheureux étaient dénués de tout. Ils sont néanmoins partis, mais il est bien dur d'être obligé de sévir contre les hommes dont la demande est infiniment juste... »
La légion du Danube va faire partie de l'armée d'observation du Midi créée par arrêté du 24 pluviôse (13 février) et placée sous le commandement en chef du général Murat. Elle prit alors la dénomination de 2e légion polonaise, la 1re sous les ordres de Dombrowski, se trouvant déjà en Italie.
Le 1er prairial (21 mai), le général. Jablonowski arriva à l'armée pour prendre le commandement de la légion. Ce grade fut confirmé par Murat le 5 thermidor (24 juillet).
La légion tint garnison dans diverses places du royaume d'Étrurie. Dissoute à Livourne, le 1er nivôse an X (22 décembre 1801), elle devint le même jour, 3e demi-brigade de ligne polonaise.
Planche 6 :
Sur la gauche figure, en haut, un modèle de havresac en peau de veau à poils. Il est fermé par une petite courroie en buffle et sa boucle en cuivre. Au-dessous, le modèle de sac cité plus haut ; czapka de grenadiers et sabre briquet modèle 1767.
Le personnage de gauche représente un grenadier du 4e bataillon, Il est habillé conformément à la description de l'uniforme que donne l'article 7 de la loi du 22 fructidor an VII (8 septembre 1799) créant la légion du Danube : « L'uniforme de la légion sera habit court bleu ; collet, revers et parements lisérés rouges ; gilet et pantalon bleu, lisérés rouges ; boutons jaunes ; demi-guêtres pour l'infanterie, bottines pour la cavalerie et l'artillerie légère. »
Un document de la collection Vanson conservée à la Bibliothèque Nationale représente cette tenue.
Le 2 germinal an VIII (23 mars 1800), le général Dombrowski propose, au ministre de la guerre, quelques changements à l'uniforme déterminé par la loi du 22 fructidor, c'est-à-dire « lisérés cramoisis au lieu de lisérés rouges. Boutons blancs au lieu de boutons jaunes. »
Par lettre du 8 germinal (29 mars), le ministre fait connaître au général Dombrowski qu'il accède à la proposition de substituer pour l'infanterie des lisérés cramoisis et des boutons blancs, aux lisérés rouges et aux boutons jaunes. Les officiers pourront conserver les marques distinctives de leurs grades en argent.
L'uniforme représenté ici est donc celui qui fut porté entre la date de formation de la légion et germinal an VIII.
Nous savons que les légionnaires n'appréciaient pas cette couleur rouge et qu'ils tenaient au cramoisi malgré les difficultés de se procurer du drap de cette teinte.
Ce grenadier est coiffé d'une czapka dont le turban est orné d'une grenade en cuivre.
Au centre, grenadier d'après la planche de Rugendas. Il porte une ceinture en toile rayée de bleu clair.
À droite, le chef de bataillon Bolesta représenté d'après une peinture sur toile, de très belle facture, signée A Bollatti et datée de 1801. Cette toile est la propriété d'un collectionneur italien.
Albert (Wojciech) Bolesta naquit à Varsovie en 1774. Il servit dans la campagne- de 1794 contre les Prussiens et les Russes comme sous-lieutenant. Passé en Italie, il reprit du service dans la légion polonaise, en qualité de lieutenant, la 5 messidor an V (23 juin 1797) ; quartier-maître au 2e bataillon de la 1re légion, le 1er fructidor an V (18 août 1797) ; capitaine le 1er thermidor an VI (19 juillet 1798) Passé dans la légion du Danube, le 24 messidor an VIII (13 juillet 1800) ; chef du 2e bataillon, le 7 thermidor an IX (26 juillet 1801). Conservé en activité à la 3e demi-brigade polonaise, en qualité de chef du 2e bataillon, le 1er nivôse an X (22 décembre 1801). Il mourut de la fièvre jaune à Jacmel (Île de Saint-Domingue), le 28 vendémiaire an XI (20 octobre 1802).
Albert Bolesta participa, avec distinction, aux premières campagnes d'Italie, à celle du Rhin sous Moreau et à la désastreuse expédition de Saint-Domingue.
À droite, sabre d'officier d'infanterie d'un modèle français.
Sources documentaires :
Archivio di Stato Milano.
Carrion-Nisas (Marquis de) - Campagne des Français en Allemagne, année 1800 - Paris, 1829.
Gembarzewski (Bronislaw) - Zolnierz Polski, ubior, uzbrojenie i oporzadzenie - Warszawa, 1964.
Pachonski (Jan) - Legiony Polskie. Prawda i Legenda 1794-1807 - Warszawa, 1969-1971.
Pachonski (Jan) - Polacy na Antylach i Morzu Karaibskim - Krakow, 1969.
Picard (Ernest) - Hohenlinden.
Schleifer - Die Schlacht bei Hohenlinden, am 3. Dezember 1800 und die Vorausgegangenen Heeresbewegungen - Berlin, 1885.
Tessier (J.) - Hohenlinden et les premiers démêlés de Bonaparte et de Moreau, d'après les mémoires du général Decaen - Paris, 1879.
Nous remercions pour leur précieuse collaboration le colonel L Jaworski, M. J Czarkowski, A Czerwinski, W Lisowski (Muzeum Wojska Polskiego - Warszawa).