Le département des Hautes-Pyrénées - M. de Noë - Arc de triomphe - La ville de Tarbes - Préparatifs - La garde d'honneur - La cavalerie et l'infanterie - Uniformes - Arrivée de Napoléon - Réception - Cadeaux de l'Empereur - Ses bienfaits - Le départ
Sur la limite du département des Basses-Pyrénées, et précisément dans la partie la plus aride et la plus misérable, avait été élevé un arc de triomphe de verdure, qui semblait un prodige tombé du ciel au milieu de ces landes incultes et brulées par le soleil ; une garde d'honneur attendait Leurs Majestés rangées autour de ce monument champêtre, et commandée par un ancien maréchal de camps, M. de Noë, âgé de plus de quatre-vingt-six ans. Ce respectable militaire fût aussitôt placé auprès de la portière et fit un service à cheval, un jour et deux nuits, sans témoigner la moindre fatigue.
On trouva plus loin, dit Constant, le valet de chambre de l'Empereur, sur le plateau d'une petite montagne, une pyramide en pierre, de quarante ou cinquante pieds de haut, couvertes sur quatre faces d'inscriptions à la louange de Leurs Majestés.
Elle avait été construite sur la côte de Ger à Iboo, pierre, marbre et granit.
Une trentaine d'enfants habillés en mameluck, semblaient garder ce monument, qui rappelait à l'Empereur de glorieux souvenirs.
" Au moment où Leurs Majestés passèrent, nous vîmes s'élancer, d'un bois voisin, des balladeurs ou danseurs du pays, costumés de la manière la plus pittoresque, portant des bannières de différents couleurs et reproduisant avec une souplesse et une vigueur peu communes, la danse traditionnelle des montagnards méridionaux."
Plus près de la ville de Tarbes était une montagne factice plantée de sapins, qui s'ouvrit pour laisser passer le cortège et fit place à un aigle impérial suspendu dans les airs et tenant une banderole sur laquelle était écrit : " il ouvrira nos Pyrénées ".
La ville de Tarbes avait fait de grands préparatifs pour la réception de l'Empereur. Une garde d'honneur à cheval et à pied fut formée, et deux arcs de triomphe élevés. Un corps de musique, composé d'amateurs et revêtu d'un uniforme fut rassemblé. Il fut choisi quatre hommes pour le service de l'unique pièce de canon que possédait la ville ; un grand arc de triomphe fut élevé sur le pont de l'Adour, où les clefs de la ville devaient être remise à l'Empereur.
La garde d'honneur composée de cinquante hommes à pied et de cinquante cavaliers portait un riche uniforme. Celui de l'infanterie était : surtout bleu foncé, collet et parements bleu de ciel ; gilet bleu à un seul rang de boutons ; culottes de casimir blanc, guêtres blanches en toile jusqu'au-dessus du genou ; chapeau français, garni en argent, fin ou faux, aiguillette et contre-épaulette en argent fin ou faux, boutons blancs bombés, panache blanc, épée à garde blanche ; cor de chasse en argent avec retroussis.
Pour la cavalerie c'était un surtout de chasseur vert, aiguillette et contre-épaulette en argent fin ou faux ; doublure, collet et parement écarlates ; pantalon vert, gilet de casimir blanc à un seul rang de boutons ; boutons blancs bombés, chapeau français garni en argent fin ou faux, panache blanc, bottes à la hussarde ; schabraque verte, bordure écarlate; sabre de chasseur en cuivre, ceinturon noir, bride de chasseur, éperons noirs.
Napoléon arriva à Tarbes, le 23 juillet, à dix heures du matin. La cour de la Préfecture, où il descendit, pouvait à peine contenir la nombreuse garde d'honneur formée par les différents pays qui composaient le département, et qui était commandé par M. de Noë. Elle se recommandait par la variété et l'élégance des costumes.
À deux heures eurent lieu les audiences ; à quatre heures, l'Empereur monta à cheval, parcourut les rues de la ville, en fit le tour extérieur, et fut visiter le haras. Constant assure qu'il alla voir le grand Duc de Berg, qui était malade, dans un des faubourgs de la ville. Le soir, il y eut illumination générale. " Les rues étaient remplies d'un peuple que la présence de ses souverains enivre de joie ". On repartit le lendemain, sans voir Bagnères et Barèges où les préparatifs les plus brillants avaient été faits pour recevoir Leurs Majestés.
Avant son départ l'Empereur fit remettre par le grand maréchal Duroc, à M. Dalias, premier adjoint, une somme de 4,000 francs destinée aux pauvres de la ville, et M. de Noë, commandant de la garde d'honneur, reçut de Sa Majesté une superbe tabatière d'or enrichie de diamants et ornée de son chiffre.
La fontaine de la place du grand marché de Tarbes fut achevée le 23 juillet. M. Dalias fit graver sur la pierre du couronnement, scellée ce jour-là, l'inscription suivante : " Posée le 23 juillet 1808, jour heureux du passage de Leurs Majestés dans ce département. "
L'Empereur fut aussi bienfaisant à Tarbes qu'il avait été dans les départements déjà parcourus. Le 24 juillet 1808, il rendit un décret en quatorze articles dans lequel il ordonnait les améliorations et les dispositions suivantes :
Il devait être formé un Conseil d'Administration générale pour pour les hospices des stations thermales des Pyrénées. Les hospices de Lourdes, de Bagnères, de Cauterets, de Capvern, de Labassère, devaient être les succursales de l'hospice général. D'autres succursales devaient être créés à Bagnères de Luchon (département de la Haute-Garonne), aux Eaux-Bonnes, aux Eaux Chaudes et Eaux de Cambo (département des Basses-Pyrénées). Il devait en être créées également au col de Gavarnie et de la vallée d'Aure pour les voyageurs qui traversent les Pyrénées pendant l'hiver. Enfin les militaires malades ou blessés devaient être soignés gratuitement dans tous ces hospices.
La Cour de justice criminelle, le Tribunal civil, le Tribunal de commerce et la Justice de paix devaient être transférés dans la maison d'Espourins, à Tarbes. Deux relais de poste devaient être établis sur la communication de Tarbes à Aire : l'un à Vic (Hautes-Pyrénées), l'autre à Plaisance (départements du Gers). Enfin, les curés de Vic-Bigorre et de Luz en Bagnères furent élevés à la première classe.