La formation d'une garde d'honneur pour l'arrivée et le service de Napoléon pendant son séjour à Bayonne, fut l'objet de travaux laborieux de la part de la municipalité de notre ville. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'on voyait à Bayonne une troupe d'élite choisie parmi les jeunes gens les plus qualifiés pour l'arrivée des souverains ou des grands personnages. Aussi allons nous jeter un regard rapide sur ces gardes d'honneur dont les mentions sont conservées dans nos précieuses archives.

C'est d'abord en 1530, à l'occasion des Enfants de France venant d'Espagne, où ils avaient été envoyés en otage par leur père François 1er, un groupe de vingt enfants de la ville qui devaient exécuter des danses devant la reine et les princes, et qui avaient été habillés uniformément avec des pourpoints et des chausses en taffetas vert et rouge, et des bonnets rouges à plumes blanches. Puis le Maréchal de Matignon, qui est reçu par une bande d'arquebusiers à cheval qui allèrent à sa rencontre et l'escortèrent jusqu'à Bayonne.

Nous trouvons des renseignements plus détaillés lors du séjour à Bayonne, en 1595, de la princesse Catherine de Navarre, soeur de Henri IV. Une compagnie de jeunes gens armés d'arquebuses et de piques et uniformément habillés le reçurent à son arrivée. Elle était commandée par un capitaine, un lieutenant et un enseigne portant le casque, le hausse-col et le corselet. Douze des plus qualifiés furent placés à la porte de sa demeure, et vingt autres bien équipés et bien armés de casques et de cuirasses, se tinrent prêts à l'accompagner à cheval dans le cas où elle voudrait aller faire quelque excursion dans les environs.
En 1744, formation d'une nouvelle garde d'honneur pour Madame la Dauphine, qui allait à Paris épouser le fils de Louis XV. "Le Corps de Ville délibéra aussitôt que cent hommes seraient pris qui voudraient faire la dépense d'un uniforme "d'une peluche rouge ; un bouton d'or, un chapeau brodé d'or, et des bas blancs."

Avec le passage à Bayonne du comte d'Artois, en 1782, nous avons la dernière des gardes d'honneur de l'ancien régime, et nous possédons sur cette dernière quelques détails d'uniformes un peu plus circonstanciés. Des jeunes gens de Bayonne se présentèrent aux magistrats pour former une garde d'honneur pour le service du prince, habillés à leurs frais. Le Corps de la Ville les autorisa, loua fort leur zèle, et ils nommèrent pour leurs officiers les anciens échevins Lafreté et Darguibel. Leur uniforme fut une veste et culotte, habit vert foncé, parements, collet et revers cramoisis, boutons d'argent soufflé, chapeau garni de trois plumets formant une fleur de lys, et ils furent armés de fusils à baïonnettes, modèle 1746, fournis par ordre du marquis d'Amou. On le voit, dans tous ces uniformes, on retrouve constamment les couleurs rouge et vert, qui étaient la livrée de la ville.

Bien autrement somptueuse devait être la garde d'honneur de Napoléon. Aussitôt qu'ou apprit la venue de l'Empereur, on s'occupa de sa formation. Il fallut plusieurs mois pour l'organiser et l'habituer aux manoeuvres. Cette troupe d'élite était forte de 120 hommes à pied et de 40 cavaliers. Ce ne fut pas sans de longs tâtonnements et après bien des études que l'on parvint à fixer la composition et l'uniforme de cette garde. Celui de l'infanterie fut le suivant : habit écarlate, revers et parements de même; revers à pointe, collet et passepoil vert de velours, boutons blancs bombés, gilet et pantalon de casimir blanc, guêtres noires jusqu'au dessus du mollet bordées d'un galon d'argent avec gland ; cravate noire, tresse verte sur l'épaule, garnie d'argent, shako en velours noir garni d'argent, plumet blanc. Les fusils, baïonnettes et sabres furent fournis par l'arsenal d'artillerie ; les gibernes devaient être celles des anciens grenadiers et chasseurs de la garde nationale, et les banderolles furent achetées aux frais de la ville.

Puis le maire procéda aux nominations des officiers et sous-officiers et nomma comme capitaine M. d'Aleman jeune, ancien officier du génie, M. Cler fils, lieutenant, M. Accuduts, sous-lieutenant, M. Martial Claverie, porte-drapeau. Les sergents furent Louis Martin ainé, Fréron Lalanne, Plaisance fils et Mailly.
M. d'Aleman, capitaine de la garde à pied, était né à Bayonne en 1773. A la Révolution il prit du service et fut capitaine du génie à vingt ans. Il se maria à Bayonne en 1806, après avoir quitté fort jeune le service militaire. Lorsqu'il eut le commandement de la garde d'honneur à pied il avait 35 ans. Il était maigre, petit, l'oeil vif et spirituel. M. d'Aleman possède encore aujourd'hui l'uniforme de son grand-père.
Dans une étude précédente nous avons déjà parlé de la garde d'honneur à cheval. Celle-ci eut deux uniformes à deux époques bien distinctes et nous décrirons soigneusement le second, ainsi que nous le permettent les documents qui sont parvenus jusqu'à nous.
La garde d'honneur aussitôt constituée, l'infanterie s'exerça tous les soirs dans les vastes salles du palais de Montaut. Le 13 mars le maire passa la revue de la garde sur les Glacis, où celle-ci lui fut présentée par son commandant, M. de Lacroix-Haviguan. "La garde a fait des évolutions qui étaient exécutées avec ensemble et précision et de manière à ne pas la laisser au dessous des troupes de ligne. Sa musique nombreuse a joué des marches et des paraphrases militaires."
Nous n'avons pas à raconter ici quel fut le rôle de cette garde pendant le séjour de l'empereur. Il suffira de dire que Napoléon en fut satisfait et lui assigna des postes de confiance. Nous la trouvons encore sous les armes lorsque l'empereur repassa par Bayonne et se rendit en Espagne pour y prendre le commandement de ses armées. Mais non contente de son luxueux uniforme, lorsque la garde d'honneur de Bayonne apprit que Napoléon allait revenir dans la Péninsule en 1810, elle fit ses préparatifs pour compléter ses tenues et leur donner un aspect encore plus somptueux.

Au mois d'octobre 1809, l'annonce du prochain passage de Napoléon s'accentuait tous les jours davantage. 400 chevaux du train de S. M. impériale étaient déjà arrivés. Toutes les dispositions avaient été prises pour sa réception. La garde d'honneur s'exerçait tous les jours. La garde à pied avait été portée à l'effectif de 120 hommes avec les officiers. De plus elle avait formé une musique de vingt-quatre exécutants, et avait même un tambour major qui devait en porter le chiffre total à 150 hommes. La garde à cheval était de 40 cavaliers et ceux d'entre eux qui manquaient de montures s'étaient hâtés de s'en procurer. On ne sera pas fâché de trouver la description des uniforme, de cette brillante garde d'honneur, telle qu'elle était conservée dans les registres de la municipalité avant l'incendie des archives de Bayonne.

Troupe. - 120 hommes. Shako de velours noir, cordons et glands en fil blanc, galons blancs, pompon vert, plumet blanc, plaque à aigle. Habit rouge, retroussis vert. collet, revers, parements et pattes de parements verts, liserés verts, pattes d'épaules vertes a liserés blancs, veste et culotte de casimir blanc, guêtres noires bordées de blanc, gland blanc, buffleteries blanches, fusil d'infanterie à baïonnette, sabre à dragonne verte, gland rouge, aiguillettes blanches.

Tambour-major. - Chapeau français bordé d'argent, ganses, cocarde et deux glands d'argent dans les cornes, trois plumets bleu, blanc, rouge. Habit bleu céleste, revers, parements, pattes de parements écarlate, passepoil argent, sept boutons gansés sur les revers, gilet et culotte de casimir blanc, nœud d'argent à la hongroise, bottes à la Souarow, galon et gland d'argent, petites épaulettes et aiguillettes d'argent, baudrier bleu de ciel à baguettes d'argent, galons d'argent, épée à fourreau de cuivre, gants blancs à crispin.

8 tambours. - Shako bleu en velours, plumet rouge en bas, vert en haut, cordon et glands en fil blanc, même habit que le tambour-major, nids d'hirondelles écarlates liserés de blanc, guêtres noires, galons et glands blancs, buffleteries blanches, sept galons tricolores sur les bras et un au collet.

6 cornets. - Même shako que les tambours. Habit vert, parements, pattes de parements, collet et revers écarlate, nids d'hirondelle écarlate, liserés blancs, gilet et pantalon de casimir blanc, guêtres noires à galon et glands blancs, sept galons tricolores sur les bras et un au collet.

Musique, 24 exécutants. Colbacs, plumet vert et rouge, flamme verte, habit et gilet blanc, parements, pattes de parements et revers vert, culotte bleu céleste, nœud sur les contours du pont-levis, pattes d'épaules vertes, liserées argent, bottes à la Souwarow, galon et gland d'argent, épée à baudrier vert bordé d'argent. Plaque aux armes de Bayonne sur le baudrier.

Quant à la cavalerie, elle avait complètement changé son uniforme de 1808, et avait pris un costume de hussards aussi élégant que riche.
En voici l'exacte description :

  • Dolman à la hussarde couleur brun foncé, brandebourgs de soie jaune, collet et parements cramoisis, trois rangées de boutons blancs bombés.
  • Pelisse blanche, fourrure noire, brandebourgs noirs en soie, ceinture en soie aux trois couleurs.
  • Liseré noir sur blanc et blanc sur brun, aiguillettes de soie jaune.
  • Culotte bleu de ciel, noeuds en soie jaune.
  • Bottes à la hussarde, bordure et glands blancs, éperons dorés attachés aux bottes.
  • Giberne et baudrier blanc, bordure jaune. N couronnée sur la giberne.
  • Sabretache noire bordée de blanc avec une N couronnée.
  • Sabre à fourreau doré, ceinturon blanc avec plaque et les motifs Garde d'honneur de Bayonne.
  • Colbach noir à plumet vert.

Il y avait deux trompettes, dolman bleu de ciel, pelisse cramoisie, culotte blanche en casimir, colbacs à flamme bleu de ciel, panache cramoisi.
On a vu que le rouge et le vert dominaient dans l'uniforme de l'infanterie, car c'étaient les anciennes couleurs de la ville.

Une lettre adressée par le maire au sous-préfet de Bayonne, l'avertissait de la réorganisation de la garde d'honneur. La compagnie à pied, qui était réduite de quelques hommes en raison d'absence ou de changement de domicile, avait été mise au complet de 120 hommes avec les officiers. Elle avait rafraîchi son équipement, et s'était donnée quelques détails de bon goût "elle était prête à entrer en service afin de montrer tout son zèle et témoignait davantage l'empressement qu'elle avait de se rendre agréable." Elle avait cru devoir se donner une musique militaire composée de vingt-quatre exécutants, ajouter quelques tambours, un tambour-major et des sapeurs, qui devaient porter à 150 hommes l'effectif de cette compagnie.
L'augmentation de cette musique avait obligé d'y placer six maîtres pour conduire les amateurs de la ville qui la composaient. Ces maitres n'ayant pas les moyens de se donner des uniformes à leurs frais, il devenait indispensable d'y suppléer à l'aide des fonds de la ville

La garde à cheval s'était également complétée a 40 cavaliers. Quelques-uns avaient dû acheter des montures et les tenaient en ville à grands frais ; or, il y avait déjà 400 chevaux de l'empereur. Aussi fut-on obligé de disposer l'ancien collège pour y placer les montures de la garde d'honneur, et il était aussi nécessaire de mettre la dépense de leurs chevaux à la charge de la ville. Mais tous ces frais furent inutiles, car Napoléon ne vint pas à Bayonne. On sait qu'il se fit remplacer dans cette nouvelle campagne par le maréchal Masséna, prince d'Essling. Cependant la garde d'honneur bayonnaise eut à deux reprises différentes l'occasion de se mettre sous les armes. Ce fut lors du passage et du retour de Joseph, roi d'Espagne, se rendant à Paris en 1811 et en revenant. Mais ce n'était pas la même chose et la garde d'honneur dut regretter vivement de n'avoir pu mettre ses brillants uniformes sous les yeux du grand empereur.

Ce fut d'ailleurs la dernière garde d'honneur qui fut organisée par la ville de Bayonne. De simples détachements de garde nationale devaient servir désormais pour les passages de princes et de souverains.

Bayonne sous l'Empire - Études Napoléoniennes - La garde d'honneur de Napoléon
par Édouard Duceré.

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